Depuis que le studio de Babylon avait été détruit, ou plutôt, selon les sources officielles, qu’il « s’était tragiquement effondré », elle avait été obligée de dormir chez ses parents pendant quelque jours, l’obligeant à prendre de son temps libre, et à donner des coups de main à ses parents, en évitant tout particulièrement de leur montrer son dos.

Elle passait aussi beaucoup de temps à l’extérieur, essayant de trouver un endroit où habiter ou simplement pour traîner et éviter d’attirer l’attention sur elle. C’est pour cette raison qu’elle traînait dans des quartiers qui avaient une réputation moins qu’idéale, elle savait très bien qu’elle ne croiserait personne qui connaissait ses parents là bas.

Elle avait à peine eu le temps de sortir le briquet et le paquet qu’elle remarquait quelque chose d’étrange. Le chat n’était pas venu la déranger.  Peut-être qu’il était à l’intérieur, mais ça semblait être un peu improbable. Du coup, pour vérifier son hypothèse, Babylon commençait à faire le tour de la façade de la maison, jusqu’à trouver le chat qui miaulait au croisement avec un autre rue.

Elle s’accroupit à côté de lui, lui caressant la tête et regardant ce qui avait valu cette manifestation sonore de sa part.

— Tu devrais éviter de te balader seule dans un quartier comme ça.

Elle regardait la jeune fille qui se trouvait devant elle, continuant de caresser le chat jusqu’à ce qu’il en ait marre et qu’il s’en aille, satisfait de l’attention qu’il avait pu obtenir.

— Mais déjà, est-ce que tu peux me dire qui tu es et si tu es perdue ?

Le plus important était de s’assurer que la jeune fille soit encore capable de réfléchir posément, et si elle savait où elle était. Il fallait absolument la mettre en confiance, sinon elle allait s’enfuir et devoir courir après une gamine ne ressemblait pas à un plan très agréable pour l’étudiante qui voyait plutôt sa journée le nez dans les bouquins pour essayer de connaître par coeur la structure du squelette humain.

Azumi Nakano ? Un nom Japonais s’il en était. Et naturellement, la gamine cherche à savoir à qui elle a à faire. C’est toujours un moment bizarre pour Babylon, car elle ne sait jamais comment se présenter, si bien qu’elle doit avoir un nombre assez absurde de pseudonymes et surnoms pour que les gens s’adressent en elle – si bien que seuls ses parents l’appellent « Shiina ».

— Appelle moi… Shiina. T’as pas à t’inquiéter, je connais ce coin comme ma poche.

C’est surtout le second détail qui lui à un peu attiré l’attention – elle ne sait pas où aller, ce qui implique qu’elle n’est pas simplement perdue. Elle n’a pas l’air d’être particulièrement rebelle, mais pas de conclusions hâtives, surtout pas sur ce genre de choses. Déjà, il faut un peu tâter le terrain.

— Si tu ne sais pas où aller, tu ne peux pas juste retourner chez tes parents ? Je veux bien t’y accompagner. Sinon, je peux appeler un policier, aussi, il pourra te ramener chez toi. 

Elle avait prononcé ça de façon un peu désinvolte, en portant la main dans sa poche pour aller chercher son portable, attendant ce que la fille allait lui dire – après tout, peut-être qu’elle avait une très bonne raison de se trouver ici, et qu’il ne valait mieux pas qu’elle la ramène. Ce n’était qu’une supposition, bien sûr, mais il valait mieux faire preuve d’une grande prudence.

Après avoir eu son bras saisi par la jeune fille, Babylon manquait de laisser tomber son téléphone, mais arrivait à le tenir, surprise l’espace d’un instant, juste assez pour l’entendre parler, et sentir une vague de culpabilité s’emparer d’elle. Ce n’était… Pas vraiment ce qu’elle avait voulu. Et pire, encore, quand elle entendit la dernière phrase – Elle s’était évadée… C’était un mot fort. Et il fallait garder tout ça secret, il y avait quelque chose d’assez sordide là dedans en fin de compte.

— Je vois… T’en fais pas, je vais rien dire.

Elle se grattait ensuite l’arrière de la tête. Ses parents allaient s’inquiéter, mais elle pensait bien qu’ils n’allaient pas poser de question, il suffisait juste qu’elle réussisse à les convaincre de la situation de la jeune fille.

— Pour l’instant, je vais t’emmener à l’hôpital et voir si tu n’es pas blessée. Puis, au pire je falsifierais un peu le dossier pour inventer une raison de te garder là bas, si quelqu’un vient te chercher.

Elle reprit rapidement son sourire à cette idée. Les faux diagnostics, elle en avait déjà entendu pas mal de la part de son grand-père. Ils lui avaient tout inventés, à l’époque, quand il avait pris une balle. Notamment un problème sanguin qu’ils surveillaient car il encourrait le risque d’un blocage artériel à n’importe quel moment, c’était assez drôle.

— Une attaque de panique, ça me semble pas incohérent pour ton état actuel.

La jeune fille rappelait à Babylon un petit animal. Elle était peureuse et timide, mais ce n’était qu’une raison de plus de la protéger. Elle ne pouvait pas s’empêcher de sourire à une idée.

— T’en fais pas, je vais pas non plus t’attacher au lit et t’interdir de sortir. Tu seras juste là pour une thérapie à long terme ou un truc du genre… elle claquait des doigts ensuite Et puis, tu sais quoi ? Ça pourrait carrément couvrir une procédure d’adoption !

L’idée était venue assez naturellement dans sa tête. Si sa famille était abusive, ils n’auraient aucun mal à le prouver, et à ce moment là, ils n’auraient plus qu’à se retourner contre eux, et ils n’auraient aucun problème à obtenir raison.

— Bon, après pour ça faudrait que j’en connaisse un peu plus sur toi, mais ça peut attendre que tu récupères un peu ! T’as pas l’air trop en état de causer, actuellement.

Elle n’irait pas bien loin sans le nom de ses représentants légaux, pas plus qu’elle ne se sentait de simplement fouiller sur les registres de Karakura… Quoique, ce serait amusant de voir s’ils avaient renforcé leur système de sécurité depuis la dernière fois. Après tout, elle s’était assurée de leur faire comprendre qu’ils étaient un peu… En-deçà de ce qu’il fallait pour bien se protéger.

— Moi je te parle d’une thérapie physique. Un régime sportif et nutritionnel adapté à ta santé, rien de plus.

Sur tout ce qu’elle lui avait dit, une chose particulière lui ressortait, la question de la magie. Déjà, l’objectif principal était de désamorcer un peu la situation, visiblement, il y avait eu un petit quiproquo.

— Depuis que j’ai vu un magicien sortir une épée à deux mains de son chapeau, oui.

Elle souriait un peu en se rappelant de l’Américain. Elle devait bien avouer que ça l’avait marquée, mais pas dans un mauvais sens. Cependant, la gamine ne la croirait probablement pas, et il fallait qu’elle explique les choses un peu plus clairement

— Tu vois, c’est ce genre de trucs qu’il faut garder pour soi, sinon on finit interné, même si ça s’est vraiment passé, tout simplement car personne ne voudra te croire. Mais à moi, tu peux tout me raconter, j’ai suffisamment traîné sur internet.

Elle se relevait et tendait son petit doigt à la jeune fille. C’était quelque chose qu’elle voyait très souvent dans les différentes œuvres qu’elle avait pu étudier, et elle devait bien avouer qu’elle n’avait absolument aucune idée de comment s’occuper d’une gamine.

Voir des gens qui sont mort et manipuler des objets… C’était la définition même du fullbringer. A ce moment exact, Babylon commençait à pouffer de rire, ayant beaucoup de mal à se retenir. Il lui fallut quelques secondes pour retrouver sa respiration et enfin pouvoir parler à nouveau.

— Désolée, désolée… Bon, une chose à la fois. Déjà, ce que tu es s’appelle un Fullbringer, et tu vois bel et bien des gens morts. Et ensuite, oui, les médecins vont probablement essayer de venir te chercher, mais ils n’auront pas le droit de te ramener là bas tant qu’on aura pas signé un papier, et je sais que mes parents seront d’accord pour te garder à la maison un moment.

Elle évitait de prononcer le mot « hôpital », sachant que ça aurait une certaine connotation auprès de la jeune fille. Après lui avoir laissé le temps de bien comprendre les choses, elle reprit sur son premier point – si la jeune fille était une Fullbringer, il lui faudrait être capable de mieux comprendre ses pouvoirs.

— Si tu veux, je pourrais te présenter le magicien dont je t’ai parlé. C’est lui qui m’a expliqué ce qu’était un Fullbringer, et il est très gentil… Même si c’est vrai qu’il faut un peu peur.

Elle pouffait un peu de rire en le revoyant avec sa cicatrice, sa chevelure et son chapeau. C’était vraiment une personne unique en son genre, et qui marquait bien les esprits, vu son apparence très peu japonaise, et son comportement plutôt amical.

C’était une colle. Lui expliquer ce qu’était un fullbringer, c’était un truc un peu compliqué pour la jeune femme qui, elle devait bien l’avouer, ne comprenait pas les choses dans leur ensemble. Du coup, naturellement, sa réponse allait être ce qui était ressorti de ce que sa connaissance lui avait dit.

— Ce sont des humains, comme toi et moi, sauf qu’ils sont capable d’utiliser des pouvoirs grâce à des objets. Après, si tu veux plus de détails, je t’invite à lui demander. Et je peux te garantir qu’il voit les fantômes… Il m’a même sauvé de l’un d’entre eux.

La jeune fille laissait un soupir s’échapper en repensant à la grotesque créature qui avait tenté de l’attaquer un peu plus tôt. Elle grimaçait très légèrement, en se disant que si l’étranger n’était pas venu la sauver, elle aurait pu mourir, mais elle s’est vite reprise pour parler de la plus grande inquiétude de l’adolescente. Pour ceci, elle s’accroupit à son niveau, la regardant dans les yeux en souriant.

— T’en fais pas, ils te mettront  pas à la porte. Ils vont peut-être être grognons un moment, mais c’est ça les adultes, ça ronchonne beaucoup pour pas grand-chose.

Elle avait ajouté cette dernière phrase avec une touche d’amertume – elle savait ce que ça impliquait d’entrer dans la vie active pour quelqu’un comme elle, et que sa personnalité d’éternelle adolescente n’allait pas pouvoir demeurer la même longtemps… Néanmoins, ça ne l’empêchait  pas d’apprécier sa vie en ce moment.

—  On y va ? Si on reste trop longtemps, on court le risque que quelqu’un nous trouve.

Elle se relevait rapidement, tendant sa main à la jeune fille qui n’était plus tout à fait un enfant.