-93.... 94... 95...

-Tu vas continuer comme ça longtemps?

-Jusqu'à ce que je devienne le plus fort de la classe!

L'aurore avait laissé place à la lumière d'une belle journée dépourvue de nuages depuis environs une heure. Le ciel, la terre, le paysage... Tout cela, depuis l’extérieur de l'académie était magnifique. Un spectacle que certains admiraient, d'autres préféraient snober cet événement en zieutant leurs bouquins pour étudier. Moi, je suis naturellement de ceux qui ont décrété que le meilleur moyen de progresser était de s'entraîner à en cracher du sang. Pour cause; comme chacun de mes camarades je fus éjecter de la Classe オ pour une autre. Comme me l'avait jadis prédit l'examinateur qui me fit entrer à l'académie, j'ai été placé dans la エ... Mais c'est au moment de m'y placer qu'on m'appris que c'était la pire option possible avec "se faire botter le cul hors de l'académie". Enragé, je décrétai que j'allais devenir plus fort que tout élève de toute autre classe, et qu'un jour prochain je leur mettrais ce qu'ils méritent. Comment procéder?...

-96... 97... Ah bordel j'y arrive plus!

-On avait parié combien que tu ne ferais pas cent pompes?

Cent pompes, autant de tractions et quelques kilomètres de course que je ferais en tournant autour de l'académie comme un dératé. Ainsi je me lançai dans la périlleuse entreprise qu'est de devenir plus fort des Shinigamis. C'était un début que j'étais fier d'entamer aux côtés de deux fidèles alliés de la classe エ. Deux braves camarades prenant à cœur leur tâche d'encouragement, répondant aux noms d'Ika...

-Ah c'est vrai! On avait parié ton déjeuner! On y va d'ailleurs?

Et Shojo...

-T'es un peu une bille, non?

Poussé par tant de bravoure et de foi dans les paroles de mes camarades, je décidai de prolonger un peu mon entraînement. Je me relevai de ma position, un peu essouflé et suant par la faute de l'effort, les regardai, et de toute la bonté que je pensais d'eux, je leur déclarai...

-Cassez-vous avec ma bouffe et étouffez-vous donc avec! Je viendrais qu'en j'en aurais terminé.

Je me remis en position, et décidai de lancer des séries de gainage. Mes deux camarades partirent au loin, prêts à s'engraisser à ma place. Je les vis disparaître dans un rayon de soleil, derrière un mur où ils prévoyaient de flemmarder, profitant de leur temps de repos avant les prochains cours. Moi, je mis ce temps à profit et tenu presque une heure, ou pour être précis, trente secondes. Il faut dire que, dû à mon acharnement, la fatigue commençait à se faire pesante. Je m'allongeai au sol une minute, puis deux. Je finis bien vite par estimer que j'étais parvenu à récupérer, et que mon entraînement pour déglinguer même ceux de la classe ア pouvait reprendre. Je m'apprêtais à me relever lorsque, mes yeux tout juste entrouverts détectèrent une ombre qui se dressait entre moi et le soleil. "Encore l'un de mes deux confrères qui vient me les briser" pensais-je. Je m'assis alors en vitesse et dis à l'imbécile qui vint me déranger...

-Ah, mais qu'est-ce que tu viens me faire de l'ombre?! J'étais à deux doigts de reprendre mon entraînement. Si c'est parce que mon déjeuner te plaît pas tu peux bien aller te faire v...

L'individu en face de moi était à contre-jour, et je suis ce qu'on appelle communément un être particulièrement stupide. Ainsi, je parvins à balancer tous ces mots avant de me rendre compte que la personne en face de moi n'était ni Ika, ni Shojo, mais bien un Shinigami. Ce n'était pas un couillon d'étudiant et encore moins le dernier des novices. C'était une femme aux cheveux et aux yeux rouges, perforants et presque opressants. Son visage était relativement neutre, mais plutôt sévère. Qu'est-ce qu'elle vint foutre ici? Ce soldat abordait le symbole de la dixième division et se tenait face à moi. Peut être venait-elle, inquiétée de voir un étudiant à terre qui ne bougeait pas? Peut être m'a-t-elle vu m'entraîner, et vint me faire part de son admiration par rapport à mon corps musculeux? Le fait est que hiérarchiquement, la classe エ est en dessous du Shinigami professionnel... Et que, par la faute de la façon dont je venais de m'exprimer, l'excuse semble être mon unique filet de sécurité. Je me relevai vite, de manière un peu paniqué, et me mis presque au garde à vous en déblatérant...

-Merde! Désolé! Je ne voulais pas m'adresser à vous comme ça monsieur... Madame! Je vous ai pris pour un autre. Veuillez m'excuser c'est lafatigueetlesoleiletletravailetlestress... et, et...

Je m'arrêtai face à la femme, toujours droite et excessivement neutre. Son regard quasi-statique sur moi était en quelque sorte malsain. Hésitant, je finis par demander...

-Est-ce que je vais m'en prendre une?

La dame face à moi eut le don de me faire frissonner. Outre son approche furtive qui me mit en posture inconfortable, son regard était plutôt sérieux. Deux types d'instructeurs existent: ceux qui la jouent sympa pour ne pas vous dégoûter, qui sourient et vous expliquent machinalement ce que vous ne comprenez pas mille fois si nécessaire. A leur opposé se trouvent les sévères: ceux qui vous préparent à la souffrance de la guerre en vous crachant à la gueule en continue, qui vous ajoutent dix pompes à une liste qu'ils entament à l'aube, dès que vous respirez trop fort après quelques kilomètres de course, et qui ne vous souriront pas tant que vous serez moins gradés qu'eux... La shinigami face à moi ne semblait pas être instructrice, mais elle se serait inscrit dans la deuxième catégorie... Quoique, sourie-t-elle seulement à ses supérieurs? Son regard jonglait entre l'hostile et le tristement neutre lorsqu'elle me demanda mon identité. Une réponse, toujours au garde à vous, sortit de ma bouche affublée d'un sourire narquois.

-Je me nomme Tenshi Ito! Étudiant de la glorieuse classe エ!

La dame me demanda alors de reprendre mon entraînement "sans faire attention à elle"... Outre la difficulté de cette dernière condition, je décidai d'accepter sa demande principalement car je ne pu pas me résoudre l'envoyer chier. Ainsi, je me remis sur mes bras, et débutai ma série de deux cent pompes lorsqu'elle me demanda de ne pas en faire plus que d'habitude. C'est pourquoi je me décidai à rester sur des séries de vingt pompes. A celles-ci j'ajoutai autant d'abdos, de tractions faites via la branche d'un arbre, encore quelques pompes, puis quelques minutes de gainages durant les quelles je continuai le dialogue mit en pause...

-Euh... Sans vouloir paraître indiscret, qui êtes vous? Parce que j'essaie de faire comme si vous me regardiez pas mais c'est pas bien évident.

Ces mots furent très vites suivis de la fin de mes gainages, qui laissèrent place à un petit échauffement pour partir faire quatre tours de l'académie en passant par tous les obstacles possibles. Au milieu de ma course, me tournant vers la Shinigami, je lâchai un sourire fier accompagné de quelques mots...

-En cours, on m'a appris à concentrer mon reiatsu dans mes jambes pour aller vachement plus vite! Voulez voir?

Je me mis à me concentrer dans ma course pour prendre l'accélération tant désirée, et... Je ralentis. A force de réfléchir comme un teubé, non seulement je ne parvins pas à concentrer mon reiatsu, mais j'en oubliais de courir vite, allant jusqu'à me manger une branche d'arbre un peu basse pour me casser la margoulette de façon magistrale. Au sol, je finis par me relever lentement, toujours tourné vers l'observatrice...

-J'avais terminé mes quatre tours de toute façon... Alors, un premier avis sur ma sublime performance?

Le soleil me tapait sur la tête. Oh, c'était le cas depuis de nombreuses heures déjà, mais la chose me semblait plus flagrante tandis que j'attendais comme un débile une réponse de l'autre glaçon. Sans rire, on devait être en pleine canicule et cette couillonne parvenait à me glacer le sang avec son regard plus distant que la Corée du Nord! Ma patience commençait à s'amenuir tandis que ma supérieur me zieutait en silence, l'air neutre et presque las. Quelques goutes de sueurs sur mon front se firent particulièrement sentir à côté des milliers d'autres que j'avais laissé tomber aujourd'hui, et je commençais à me demander au bout de seulement cinq de la dizaine de secondes d'attente qu'il y eut entre ma question et sa réaction, si elle n'allait pas me démonter en guise de réponse à cause de mon petit accrochage de fin. Finalement, elle ouvrit la bouche et me conseilla. Outre le fait que je me rassurai de ma survie, je notai dans ma tête chaque conseil. Étonnamment, elle ne se contenta pas d'analyser l'entraînement présent. Cette maîtresse d'atelier avait réfléchis sur un autre point: les études. Comme quoi il ne fallait pas négliger tout ce bazar. Au milieu de tout cela, elle lâcha une remarque sympathique sur la onzième que cette dame ne semblait pas porter dans son coeur. Ceci entraîna un léger rire de ma part suivit d'une réponse.

-Ah? C'est drôle que vous disiez ça parce que j'avais l'intention de rejoindre la onzième justement! C'est un super partit pour devenir balèze en combat! Et j'ai bien l'intention de devenir vite assez fort pour foncer au front justement!

Je me tus alors un instant en me grattant le menton, regardant le vide juste à la droite de mon interlocutrice. C'est alors que je me rendis compte que je n'avais qu'a moitié réagis à sa remarque. Je plaçai ma main droite dans ma chevelure, et regardai de nouveau mon enseignant improvisé dans les yeux. Je m'adossai à l'arbre qui m'à foutu qu sol deux minutes plus tôt, et repris...

-Pour ce qui est de mes études... je vais être franc, je suis assez à la ramasse dessus. Pourquoi vous dites ça? Vous pensez que c'est important? 'Fin je veux dire... une fois sur le terrain aux prises avec quinze arrancars que je dominerais bien évidemment de ma toute puissance, je vois pas en quoi ces heures de cours vissé au sol pourraient m'être favorables... après c'est peut être moi qui suis con, mais ça me semble peu probable.

Toujours posé sur mon tronc, j'avançait légèrement ma tête, le regard réellement curieux.

A mon grand étonnement, Eleonore comprit mon ambition. Généralement, lorsque je dis aux gens que je souhaite devenir capitaine, ils me demandent si je suis con ou si je pète pas clairement plus haut que mon cul, et quand je parle de la onzième on me demande d'où viennent mes pulsions suicidaire. Cette fois-ci, ma sympathique interlocutrice se contenta de sourire. Ça ne semblait pas être un rictus moqueur, mais un vrai symbole de contentement. Elle me parla de mon radieux avenir de kenpachi, et semblait apprécier l'idée. En dégainent, elle se proposa même de m'entraîner à ces mots, je bondis un peu en dégainent, tout joyeux que j'étais...

-Alors la vous m'faites plaisir m'dame Eleonore! Je deviendrais le plus balèze des kenpachi! Je vote pour la vitesse! 'Paraît que c'est ce qu'il me manque lors des duels de Zanjutsu.

Je dégainai mon sabre en bois fièrement, le levant au dessus de ma tête. Tenant mon arme toujours haut, je plaçai solidement mes jambes au sol, puis fis tournoyer ma lame de bois. Pour finir, je me plaçai en position de garde haute, proclamant...

-J'suis prêt, filez vos consignes et les coups!

Eleonore sembla plonger en réflexion un instant avant de décrire cet entraînement comme étant le plus dangereux de sa liste. En jeu était misé un séjour dans les hôpitaux de la quatrième. L'affaire semblait amusante pour quelqu'un à qui il manquerait des neurones, mais je commençais à me demander si j'y serai gagnant. L'entraînement devra être plus que rentable pour valoir le détour par chez le toubib, pensais-je. Mon professeur improvisé fit alors un petit tour du terrain, traçant au sol diverses marques qui semblaient être les points de passage obligatoires. Enfin, elle revint vers moi en m'expliquant le but de l'exercice qui semblait être... mille fois moins dangereux que prévu. Je failli éclater de rire, puis résumai...

-Alors, il faut juste que je fasse trois tours de piste d'échauffement et je continue jusqu’à nouvel ordre? Mais... Comment j'suis censé atterrir à la quatrième? Une crampe? Un rhume? Ah ah!

Sur ces mots, je partis à un rythme de course normal en passant par chacun des points de passage tracés au sol. Riant toujours aussi fort, je terminait mon premier tour en m'exclamation...

-J'pourrai en faire dix des comme ça!

Je débutais alors le deuxième tour en accélérant un peu plus, m'attendant à un coup de pied volant de la part d'Eleonore en guise représailles à mon amusement. Mais encore une fois, je parvins sans peine à terminer le tour, et il en allait de même pour le troisième à la fin du quel je déclarai,  courant toujours...

-Ah ah ah! J'peux en faire trente m'dame! Ça vient cette augmentation de la difficult... hein?

En arrivant, je me retrouvai nez à nez avec mon sensei qui possédait des aiguilles aux poings. Je m'arrêtai devant elle l'espace d'un instant, un sourire niais accroché au visage. Ce sourire n'était la que par lenteur: l'information concernant les pics ayant mit trop de temps à parvenir jusqu'à ma cervelle. Je ne peux dire si c'est mon imagination qui jouait sur mes nerfs ou non, mais il me sembla apercevoir un air menaçant sur son visage. Je cru voir un de ses pieds avancer, et son bras s'armer, comme pour me placer les pointes dans la trogne. Ainsi, je pris mes précautions qui sont mes jambes à mon cou.Tout en suivant les points de passage tracés par la dame, je déclarai, passant et parlant à toute vitesse...

-NONONONONONON! M'approchez pas avec vos aiguilles!

Mon souffle s'entendait à des dizaines de lieux à la ronde, sans aucun doute. Enfin... il n'était aussi bruyant qu'après le dixième tour de piste que je faisais, avec des aiguilles volantes qui semblaient accélérer. Mon front ruisselant de gouttes de sueur me sembla tourner en accord avec ma tête, a chaque virage ou je ralentissais un peu, me laissant l'occasion de paniquer de plus en plus. Ah, je la retenais la "dame Eleonore" avec cet entraînement! Plus je réfléchis, et plus je me conforte dans l'idée qu'elle a omis de m'informer concernant la présence de ces outils mortels! De plus, quand bien même j'échappais à cette part de la population phobique des aiguilles, je ne pouvais voir ces saloperies sans éprouver une peur capable de tendre chacun de mes muscles, vidant mes poumons, les calories que j'ai dans les jambes et parfois même la vessie... Mais ce n'est pas une phobie! Ou comme je le déclarai dans ma course...

-Si vous croyez que ça suffira à m'abattre! Vous m'aurez pas! J'ai même pas peur et... AAAAH Mais vous avez encore accéléré?!

Le son de mes pas raisonnait dans un rythme croissant, qui me lassait. Je commençais à perdre patience, et surtout mon énergie qui, d'un instant à l'autre, me ferait défaut. A force d'alternance entre course et panique, le tout accentué par un état d'affaiblissement grandissant, je finissais par devenir particulièrement sensible aux facteurs internes et externes. Je sentais mieux que jamais mon coeur battre, le vent souffler, la terre résister aux coups de pieds que je pu lui mettre dans ma course, ou même les rayons du soleil qui se plaisaient à me tourmenter. Toutes ces sensations, si désagréable soient-elles, finirent par annihiler ma crainte et mon hésitation. De plus, je me mis à penser... si, si, c'est possible. Je me demandais pourquoi Eleonore ne m'avait jamais donné les conditions de fin de l'entraînement, pourquoi n'y avait-il pas de limite de temps ou de distance à parcourir pour déclarer que l'entraînement était réussi? Mais très simplement parce qu'elle voulait que je les arrête. Étant à deux doigts de m'écrouler, je décidai de m'arrêter pour contrer l'assaut.

Je lançai une jambe loin en avant, comme je le faisais depuis le début avec chaque pas de course, mais cette fois, mon pied cognac fort le sol, s'énonçant de quelques centimètres dans la terre et soulevant un nuage de poussière. Ma deuxième jambe me servait surtout de contrepoids, elle aussi encrée au sol afin de me laisser conserver l'équilibre. Ainsi positionné, aussi haut que si je l'étais accroupi, je regardai dans les yeux trois aiguilles qui risquaient de me tailler ma belle barbe d'imberbe. J'ouvris la bouche, et croquai à pleines dents dans les trois pics qui voulaient d'aventurer dans ma trogne, les bloquant ainsi. Deux autres pointes vinrent tenter de me transpercer, et chacune fut attrapée par l'une de mes mains libres. Constatant ma réussite, je me relevai de toute ma hauteur, regardant Eleonore, et disant...

-Ah ah! Ch'est tout Che que t'as? Ch'pourrai faire cha toute la... mh?

Je me tus un instant, gêné par le reflet d'un rayon de soleil dans un éclat de métal. Encore une aiguille qui s'approchait à toute vitesse, et celle ci je ne l'avais pas anticipé. Je me jetai au sol, roulant comme un débile par terre pour éviter toutes celles qui vinrent se planter soit dans le sol, soit dans... Eh bien dans leur cible. Au final, je me relevai lentement parmi des buissons que j'atteins en roulant dedans, avec les vêtements un peu déchirés et décolorés, des feuilles partout sur la trogne, et une branche cassée sur la tête. Je vins ainsi vers mon professeur, en me nettoyant un minimum sur ma route. Droit comme un I, je lui tins ces mots...

-Je... j'crois que je me suis plus fait mal en roulant dans la verdure qu'en me prenant vos aiguilles. Vous pensez que des gens remarqueront que j'ai arraché un morceau du tronc d'un cerisier?... Bref, on passe. Dites, vous êtes sur que les kenpachi ils s'entraînent en se mangeant des pics dans le dèrche?

Je m'attendais à bien des choses, mais me faire enguirlander par Eleonore comme elle me l'a fait, alors la, c'était bien la plus prévisible de mes hypothèses! La réprimande se basait cette fois-ci sur le fait que je n'ai pas utilisé mon arme. Cependant, après s'être calmée, elle me dit que l'épreuve semblait plus ou moins réussie, et détailla l'entraînement des anciens kenpachis. Moi qui me demandais pourquoi ils ne faisaient pas de vieux os... "on peut passer à l'étape suivante" décréta alors la dame. Je faillis bondir de joie, mais me retins en attendant les explications de ma sensei. L'exercice suivant était simple: ramasser son arme, et la ramener avant qu'elle ne disparaisse. La lame était plantée au sol, et le génie que je suis ne voit pas encore ce que veut dire ma supérieur par "disparaître" lorsqu'elle parle de son arme. Je suppose que je dois donc me dépêcher. Je saisis la lame, et me mis à courir à toute vitesse vers Eleonore, et je finis par crier, à deux centimètres d'elle...

-Trop facile, la voila ta... Nieh? Elle est passée où?

Incroyable, j'ai réussi à perdre la lame. Ou plutôt, elle avait disparu sans que je ne la vois. Je regardai autour de moi, et la vis là où je l'avais ramassé plus tôt. Je me tournais vers mon professeur, et dis...

-Je reviens tout de suite.

J'arrivai ensuite vers l'épée plantée dans le sol, et la saisis pour courir à nouveau comme un taré. Cette fois-ci, j'eu le temps de voir disparaître l'oeuvre d'acier sous mes yeux, se séparant en partie miniatures d'elle même comme si elle n'avait jamais été unie. Je refis une demi douzaine de fois ce trajet sans parvenir à aller assez vite. Puis je me remémorais les paroles prononcées plus tôt par Eleonore: "Quand tu veux te déplacer rapidement, la première étape c'est de repérer où tu veux aller, et de ne pas perdre ton objectif du regard". Je regardai un instant la lame, puis me retournai vers la dame à la chevelure d'un rouge éclatant. C'était là que je voulais aller, et la question maintenant était de me concentrer assez pour ne pas perdre de point de vue cet objectif. Je tentai d'insuffler mon reiatsu dans mes jambes sans perdre cette concentration, et je me mis à courir avec la lame. Cette fois-ci, j'arrivai plus loin que les dernières fois. Bien plus loin, ce qui encouragea un bond de joie de ma part et les mots suivants...

-Yes! Merci du conseil m'dame, z'êtes la meilleur après moi! J'y retourne!

La bougresse ne devait pas comprendre grand chose étant donné que le conseil datait d'il y a déjà un bon quart d'heures, voir plus. Je n'avais pas de montre sous les yeux. Cependant, je décidai en effet de revenir à l'entraînement. Je recommençai l'opération en me concentrant un peu plus chaque fois. La première tentative se solda par un échec, toujours bien loin d'Eleonore. A ma deuxième, je tombai au milieu de la route, et repartis en arrière. Mais à ma troisième tentative, je couru à si vite que je faillis ne pas réussir à m'arrêter... Ou plutôt, je ne réussis pas à m'arrêter, et je dû me décaler pour ne pas me manger mon sensei. Je lui tendis son zanpakuto, fier, attendant l'étape suivante. Elle m'expliqua alors que le délai passait de deux à trois secondes, mais cette fois-ci, je devais faire un allé retour plutôt qu'un simple allé, étant donné que le départ, c'était Eleonore. Je me plaçai à côté d'elle, et partis, confiant. J'arrivai jusqu'au zanpakuto, glissant au sol pour le récupérer, et tentai de repartir sans succès, continuant ma glissade maladroite jusqu'à tomber. Je me relevai lentement...

-Han... C'est que ça fatigue de sprinter... C'est vachement plus dur de faire un détour. Je suis censé me concentrer sur deux objectifs? Comment vous faites, vous?

Au grand bonheur du débile que je suis, la réponse fut claire, directe, et précise. Il fallait concéder à Eleonore qu'à défaut d'être expressive ou particulièrement joviale, elle était efficace, directe, et presque aussi sage que moi. Il ne suffisait pas de se concentrer sur les objectifs différents, mais aussi de visualiser le sol que je foulais et de m'y accrocher par la force de l'âme jusqu'à ce que cela ne s'additionne suffisamment bien à la puissance de mes guitares pour arrêter le corps vif que je suis. Empressé de tester cette nouvelle théorie, je me plaçai à côté d'Eleonore, et dis...

-Dans deux minutes, on fait une pause pour célébrer ma réussite!

Je fléchi les jambes, face à la lame qui était là ma cible, et couru à vitesse suffisante pour l'exercice, je la saisis en frappant fort le sol des pieds, repoussant la terre qui devait me retenir pour bloquer mon élan. Alors que je m'arrêtai avec succès, je voulu repartir et trébuchai comme un demeuré, arrivant comme d'ordinaire aux pieds de mon sensei sans l'arme. En une seconde, j'étais de nouveau en position. Je couru encore, m'arrêtai, repartis, sans même prendre la peine de saisir la lame. Je couru encore, m'arrêtai, saisi la lame, couru, arrivai trop tard. Je couru, saisis la lame, ne m'arrêtai que trop tardivement, revins bredouille. Je recommençai, encore, et encore, et encore, jusqu'à en gueuler...

-Rah bordel! J'ai plus beaucoup de temps avant la fin des deux minutes!

Cela devait faire plus ou moins vingt minutes que je répétai ce refrain. Je me plaçai pour la énième fois en position de départ aux côtés de mon enseignant, prêt à partir chercher la lame. Javais les deux paumes plaquées au sol, une jambe tendue, et l'autre pliée. Un court moment de silence se fit lourdement ressentir avant mon départ avoisinant les premiers murmures du vent. D'ordinaire, dans sa course, un individu se relève et court droit ou légèrement penché. Moi, je m'étais arrangé pour courir presque horizontalement, prêt à plonger au sol à tout moment. Il me fallut une seconde pour arriver à la lame, et là je me mis à quatre pattes au sol. J'insufflai consécutivement mon reiatsu dans chacun de mes bras et chacune de mes jambes pour les agripper au sol, si bien qu'un nuage de poussière se leva et que j'eu l'honneur de manger quelques morceaux de terre volants. Dans mon freinage improvisé, je sais l'arme avec mes dents, et repartis en me propulsant de mes quatre membres, puis en courant de manière plus orthodoxe. Finalement, je parvins à cesser ma course à deux centimètres d'Eleonore, sans la percuter. Je ne pu m'empêcher de lui hurler au visage...

-J... Je l'ai fait! J'ai réussi l'entraînement, et j'ai toujours ma mâchoire!

Je reculai d'un bond, par instinct de survie, avant de continuer...

-AH AH AH... Oh bordel, je suis mort... C'est enfin la pause! Justement j'avais faim et... AH L'ENFOIRÉ D'IKA! Il m'a taxé mon déjeuner!... Vous auriez du riz ou un sandwich à prêter? J'accepte même les sandwichs au riz.

Je restai là, droit comme un ahuri, avec un doigt levé comme le fait un élève voulant répondre à une question, sauf que c'était moi qui possédait les interrogations. Allez savoir si c'est une tentative de suicide ou de négociation, mais je finis même par dire...

-Vous savez, vous pourriez avoir une meilleure ligne si vous décidez de partager avec moi.

Des suites de mon argument d'empreint, je fus soulevé au dessus du sol de plusieurs centimètres, si bien que ses pieds, balançant comme ceux d'un gamin courant, ne touchaient plus le sol. Cet imbécile qu'était mon corps ne réagit qu'à moitié: Des gouttes de sueurs perlaient sur mon front, mes yeux s’écarquillaient lentement, mes muscles se tendirent si bien que je ne pu qu'attendre que la demoiselle ait finit en silence. Pourtant, allez savoir si c'est les muscles de mon visage qui sont teubés, ou si mon esprit pensait que c'était une stratégie pour adoucir madame Eleonore, mais mon sourire ne disparut pas. Si bien que je n'écoutais que d'une oreille les dires de la shinigami expérimenté, tandis que le reste de ma concentration allait au calcul de mes chances de décéder.

Finalement, après m'avoir appris qu'elle me ferait gagner en muscle, et qu'elle n'avait pas honte de ses formes car c'était ces derniers qui les lui donnaient, elle conclut sur une phrase plutôt sympathique. Elle apportera la boustifaille pour les prochains entraînements, et il y aura de prochains entraînements. C'était une bonne chose car j'ai réellement l'impression d'avoir évolué au cours de cette journée, et ce qui est rare pour une première fois. Je levai les bras, avec un sourire toujours grandissant qui s'écria...

-Yaaaaay! Je savais bien que même si vous aviez l'air super coincé, sévère, sanguinaire et emplie de haine envers tout ce qui vit, même les chatons, vous étiez sympas!

Je rabaissais complètement mon bras gauche, ne laissant que mon bras droit, légèrement au dessus de ma tête, un doigt levé...

-Euh... Si vous pouviez juste retenir le moment où j'ai dit que vous étiez sympas... Vous pourriez me reposer aussi s'il vous plait?

Attendant une réponse potentiellement pacifique ou potentiellement mortelle, je restais là, immobile. Je me demandais si j'allais sortir de cet entraînement dans le coma, si j'allais avoir le temps de manger, si j'allais être obligé de tabasser Ika pour avoir pris mon repas. C'est alors qu'une pensée traversa mon esprit: Je suis un enculé... La pensée était un peu plus développée. Eleonore est venu ici, sans obligation, et m'a entraîné plus dur à chaque fois que je méritais une tarte dans la gueule. A sa place, combien de professeurs auraient déjà abandonné? Combien de camarades se seraient barrés? Je crédibilisai alors cette pensée ironique pour moi qui ai toujours compté sur moi sans jamais penser à ce que les autres m'apportaient. Quelle pensée? Celle de la redevance qui n'allait pas dans le bon sens: Mon enseignante improvisée me promettait un service et une récompense à la fois. Et moi, en échange, je beuglais... Un peu honteux, je laissai donc s'échapper un...

-Hoy, Ele... Merci... Dites, vous pourriez me relâcher maintenant?

Eleonore, toujours plus sympathique me relâcha gentillement en me promettant qu'on n'en resterait pas là. La chose est relativement classique venant de cette dame. Décidément, j'ai dû mal à savoir si elle est effrayante ou étonnamment aussi amicale que froide. Après tout, elle a le don de se montrer impressionnante et menaçante: la preuve en est que j'ai dû croire qu'elle allait me tuer, après un regard de travers, environs quinze fois depuis le début de ces entraînements. Fort heureusement, cet effroi qu'elle pouvait inspirer contrastait avec une patience et un air compréhensif qui était assez exceptionnel. Après tout, elle était la seule à ne pas avoir été particulièrement choquée par mon objectif. Elle a su comprendre mon rêve, et m'entraîner malgré mon tempérament honnête qui a l'habitude de déranger. Non, rien à faire. Je n'arrive définitivement pas à savoir si elle est du genre à nourrir les chats errant ou à les capturer pour les torturer.

Toujours reste-t-il qu'après cette promesse menaçante, elle me releva toujours aussi vivement en me demandant si je n'avais pas l'habitude de me manger des patates. En voila une drôle de question, j'ai une tronche à me faire harceler? Ou elle a cru que j'allais chercher des noises à tout le monde? Ce n'est pas parce que c'est le cas qu'il faut le dire ainsi. Toujours fidèle à moi même, je déclarai...

-Sachez madame, que je distribue autant de coups que j'en reçois! C'est que je suis l'un des meilleurs shinigamis de ma classe moi!

Ce n'était pas faux, ni glorieux. Ma classe était composée de billes. Taper plus dur qu'une pauvre boule en verre de trois millimètres de rayon n'est pas exceptionnelle. Eleonore enchaîna ensuite en me décrivant comme relativement robuste. Je n'eu pas le temps de m'en vanter qu'elle vérifia sa théorie d'un coup assez méchant pour me faire reculer de trois pas, mais pas assez pour me faire tomber. Je suppose que le fait que ma respiration fut atténuée pendant quelques instants était la preuve qu'elle ne s'était pas retenu au point de m'insulter. Au final, après avoir toussé deux ou trois fois, tant sous le joug de la surprise que du coup, je me replaçai droit en beuglant...

-Alors, m'dame Eleonore, sachez tout d'abord que... Même pas mal! Ensuite, Je suis en effet solide, mais pas si gringalet. Il y a pire. Je suis un mur, un colosse, une montagne d'acier, un...

Je continuai sur ma lancée pendant quelques secondes avant d'entendre retentir le carillon d'une cloche, ce qui me paralysa un instant, puis je bondis littéralement sur place en courant partout et en déblatérant...

-Mince! La pause! La bouffe! Les cours! Le retard! En plus mon prof est lourd avec ça! Désolé chef, j'dois y aller! A la revoyure, avec tout le respect tout ça, tout ça...

Peut être que ce manque de formalité m'aurait valu une tarte sans ma vitesse de course dans le sens opposé à mon instructeur, joignant aussi vite que possible les bancs de l'école. Mais pour cela, je n'avais aucun doute que Eleonore le retiendra pour nos prochaines salutation, après tout, c'est elle, la Shinigami qui déteste même les chatons.