Ce n’est vraiment pas une bonne semaine pour Eleonore. Après son retour de sa mission sur terre, elle a commencé à être la cible de regards moins que flatteur, de remarques dans son dos, souvent de murmures sur son passage quand elle traversait les quartiers étudiants. Elle avait entendu la rumeur, au détour d’une conversation. Elle savait que les gens ne s’étaient pas retenus de parler de ce qui avait eu lieu lors de l’examen. Un adjuchas dans l’examen, c’était déjà un problème unique en son genre, mais elle était restée pour le battre, entraînant avec elle au moins une élève, et elle avait supposément fait usage d’un arc !

Elle n’en avait rien à faire qu’on la méprise, qu’on la haïsse, bien au contraire. Elle se voulait comme un modèle de peur, quelque chose qui découragerait les plus faibles et qui attireraient les téméraires et les puissances, une femme pour montrer au monde que ce n’est pas en faisant des manières et en jouant à la guerre qu’on arrivera à triompher, quelqu’un qui est prêt à tout pour la victoire.

Le problème, c’est quand des gens qui se croient un peu trop fiers décident de commencer à s’y mêler. Aujourd’hui, Eleonore a choisi de se balader sans son Asauchi. Elle s’attend à ce qu’on lui fasse le reproche, mais si quelqu’un demande, elle est aujourd’hui présente au nom des Kasumioji et plus du Gotei, et elle passe donc par la onzième sur son chemin.

— Ta race n’est pas la bienvenue par ici, Quincy !

C’est un homme, bourru, beaucoup plus large qu’Eleonore, mais sa remarque ne passe pas inpaerçue pour autant, pas plus qu’elle ne le prend particulièrement bien. Directement, elle s’arrête de marcher et tourne les talons vers son interlocuteur. Elle regrette de ne pas avoir son Asauchi sur elle, sinon, elle aurait pu s’occuper de celui qui venait de l’insulter.

Elle n’était pas dans sa tenue officielle, et c’était peut-être ça qui avait poussé l’homme à se manifester, mais même dans sa tenue formelle, elle n’allait pas pour autant se laisser faire cmome ça.

— Surveille tes mots si tu ne veux pas que je t’écrase.

Il lui rit au nez. Qui peut lui en vouloir ? Elle est désarmée, et lui est toujours en possession de son Zanpakuto. Le rapport de force est évident, sans son arme, elle n’est rien. Cependant, partir de ce principe, c’est une vision bien fermée pour un Shinigami. Le premier réflexe d’Eleonore, autre que celui de défaire le haut de sa tenue, le laissant tomber pour pouvoir révéler sa tunique, bien plus adaptée au travail dans l’atelier, fût de lentement arracher le faux morceau de peau qui recouvrait toute la moitié gauche de son visage, montrant son visage défiguré et brûlé au Shinigami qui commençait à perdre de sa splendeur. Mais il se reprit vite – il avait trouvé une nouvelle idée.

— Ton visage porte la marque d’une traîtresse !

C’est la phrase de trop. Elle bouge son pied fort en avant et se saisit du col de son adversaire de sa main droite, le tirant vers elle d’un seul coup, profitant de la surprise, ne l’arrêtant qu’à une poignée de centimètres d’elle.

— Mon visage porte la marque de ma loyauté. Un mot de plus, et ce sera à mon tour de te donner les cicatrices d’un traître.

Elle l’étouffe avec sa pression, mais ce n’est pas assez. Un tel affront ne saurait être vengé d’une simple menace. Il fallait le marquer. Est-ce qu’elle allait le brûler au fer rouge ? Lui reprendre sa tenue qui avaient été sans nul doutes fabriqués par les Kasumioji ? L’envoyer faire un séjour à la quatrième ? Une autre option se posait à elle, et elle se contentait de lui faire un rapide crochet du gauche dans le ventre, le faisant reculer. Son coup lui avait fait mal, mais sans laisser trop de séquelles, c’est ce qu’elle voulait.

— Espèce de tarée !

Elle fronce les sourcils. Un coup ne lui a pas suffit, visiblement. Du coup, pendant qu’il est encore en train de récupérer, c’est à son tour de faire un pas en avant. Il essaie de faire un pas en arrière, croyant qu’elle allait simplement s’arrêter avec sa victoire, mais la Shinigami est plus rancunière.

Elle le saisit de nouveau et s’avance encore jusqu’à arriver à son niveau.

— Et pour ta gouverne, la ‘Quincy’ est celle qui vous permet de ne pas vous trimballer totalement désarmés et à poil. Même si dans ton cas, je pense que ça te ferais réfléchir.

Et a elle de le relâcher et de continuer son chemin pendant qu’il essaie encore de récupérer. Malheureusement pour elle, alors qu’elle avait recouvert sa cicatrice, elle remarquait qu’elle n’avait pas été très discrète dans la leçon qu’elle venait de donner.

La jeune demoiselle était très polie. Un peu trop, peut-être, mais elle pouvait toujours placer ça sur le coup de la hiérarchie, et de la scène qu’elle venait de voir, ou bien encore du Reiatsu qu’elle affichait. Ou même encore, de ce qu’elle avait pu entendre. Après tout, c’était une étudiante, comme elle l’avait dit. Pour ne pas se lancer dans une diatribe sans rapport, elle se concentrait sur ce que l’étudiante venait tout juste de dire et, malheureusement pour cette dernière, l’artisane appréciait certainement d’être crainte, mais il y avait une certaine étiquette à respecter.

— Si tu arrêtais de t’excuser déjà, ce serait une chose. L’excès de flatterie comme de modestie sont des attitudes serviles, indignes de véritables Shinigami. La forme est cruciale ! Le buste relevé ! Le dos bien droit ! le regard vers l’horizon ! Bras le long du corps ! Un peu de fierté dans cette posture ! Ton sabre, lame vers le haut dans son fourreau, un peu de respect pour ton arme !

Elle ne parlait plus, elle aboyait sur la pauvre élève. La servitude était une chose qu’elle n’appréciait pas, surtout dans sa propre hiérarchie de clan où la modestie ne trahissait pas une différence d’égalité, mais purement une simple formalité de rang.

Sa figure, qui plus est, ne devait rien avoir de très rassurant. Pour une élève, habituée à voir un monde lisse, d’ordre et de bisounours, dans lequel les sanctions ne sont que disciplinaires, le fait d’avoir en face d’elle non seulement une personne qui n’hésitait pas à faire connaître le fond de sa pensée, mais en plus dont le visage affichait les marques d’une guerre oubliée, qui seraient inconcevables aujourd’hui.

Après tout, même les plus balafrés ne portaient que des cicatrices physiques, des simples coupures de rasoir. Alors que de son temps, les choses étaient beaucoup plus dures, et l n’était pas rare qu’une mission particulièrement dangereuse ne laisse un estropié, si ce n’est pire. Les temps changent, mais sa mentalité reste la même – celle d’une maîtresse d’atelier qui n’hésite pas à utiliser tout ce qui est à sa disposition pour transmettre son savoir faire à des apprentis, même si elle doit pour cela les pousser à bout.

— Et ta garde est ouverte en permanence ! Comment est-ce que tu espères pouvoir t’en sortir dans ce monde de Shinigami si ta manière de te tenir et de marcher n’inspire pas la crainte, et qu’elle décourage n’importe qui de te manquer de respect ?

Les yeux de la jeune fille venaient tout juste d’avoir un flash d’une couleur différente. Elle aurait probablement voulu le cacher, mais, malheureusement pour elle, un tel détail n’aurait pas pu échapper à la guerrière. C’était un détail qu’elle devrait absolument creuser. Elle n’aimait pas ce petit moment, ce léger changement d’atmosphère qui avait eu lieu. Elle aurait pu l’aimer, mais… Il aurait fallu qu’il soit contrôlé.

Avant qu’elle n’ait pu se faire remarquer, cependant, la jeune fille choisit de parler. Son ton était déjà un peu plus détendu, ce qui était beaucoup mieux. Certes, le rapport de hiérarchie entre elle semblait disparaître, mais au moins, elle n’avait plus l’impression d’avoir un paillasson devant elle. Avec sa posture – un peu rigide, c’est vrai – elle avait enfin l’air d’avoir un semblant de dignité.

— Je ne suis pas une Quincy. Je suis Eleonore Kasumioji, celle qui se tient à la tête des artisans du Seireitei. Ce qui veut dire que quoi que tu fasses, tu auras systématiquement à faire affaire avec nous, même indirectement

Après avoir, pour la deuxième fois aujourd’hui, avancé son héritage comme il était coutume, elle se rappelait enfin de pourquoi elle était là, lui faisant froncer un sourcil avant de retomber sur le sujet qui l’intéressait.

— En parlant de questions… Pourquoi est-ce que ton aura a changé, à un moment ?

Elle profitait de cette question pour de nouveau tourner le dos à l’élève et retourner chercher la tenue qu’elle avait laissé par terre quelques mètres plus loin. Elle ne l’appréciait pas, mais c’était sa création. Elle lui devait le respect, certes, mais surtout, elle ne devait pas se laisser avoir une fois de plus.

— Dans tous les cas, ne la laisse jamais te consumer comme j'ai l'impression qu'elle est sur le point de le faire. Sinon, tu vas seulement devenir folle, si tu as de la chance, et il faut que tu sois capable de t'arrêter avant de devenir dangereuse. Crois-en mon expérience.

Elle comptait bien l'aider, mais avant... Il faudrait qu'elle sache exactement quel était le problème, d'où il venait, et de comment elle pourrait le combattre. Une fois qu'elle saurait ça, elle pourrait éviter de se retrouver coupable, complice, ou au moins témoin d'un nouveau fiasco qui mettrait en danger la Soul Society... Elle montrerait qu'elle est capable de maîtriser des forces qui semblent incontrôlables, et que ses armes ont du bon, qu'elles méritent d'être utilisées... Et que, maintenant que son esprit est reposé et clair, elle les rendrait encore plus puissants, encore meilleurs.

Elle n’aimait pas ça. Au lieu de simplement lui dire que les choses étaient personnelles, ou même de s’énerver et de lui dire de ne pas s’en mêler, l’étudiante avait choisi de feindre l’ignorance et, par la même occasion, de se moquer de son interlocutrice. Malheureusement pour elle, Eleonore avait beau ne pas être en tenue pour se battre, ni même de posséder sur elle son arme ou n’importe laquelle de ses créations, sa visite étant purement diplomatique – elle devait simplement arranger des formalités de deuil, pour la mort de Tsunemitsu Kuchiki. Heureusement pour elle, ça lui donnait une raison d’accéder au Conseil. Après tout, c’était là que le sage mandaté par les Kuchiki se trouvait souvent pour traiter de matières administratives.

— Le Conseil 46 ne laissera jamais entrer une simple Shinigami comme toi. Encore moins une étudiante tout juste capable de garder la tête droite. Je te conseille vivement de rebrousser chemin, avant que quelqu’un de vraiment compétent ne t’y arrête.

Ce n’était qu’un conseil amical, qu’elle donnait. Elle avait fait preuve d’un peu de tact, autant que possible, mais les autres ne seraient pas aussi cléments. En vrai, si elle ne se contrôlait pas, il n’était pas impossible qu’on l’envoie faire un séjour chez les asticots, et elle n’aimerait pas ça.

— Une gamine comme toi devrait simplement rester bien sagement cloîtrée chez elle en attendant qu’on vienne lui accorder un semblant d’importance.

Et donc, elle la provoquait. Qu’on lui donne une raison de l’attaquer et de la soumettre ! Renvoyée à l’académie ou à la 4ème, le plus important était de l’emmener loin d’ici. Après tout, ici, elle était en danger. Les membres de la onzième division sont connus comme étant pas mal de rustres et les membres du Conseil sont loin d’être parfaits, eux aussi – ils en sont même allés jusqu’à priver Eleonore du travail de sa vie, de sa mission qu’elle considérait divine, du simple objectif de sa vie.

L’étudiante montrait enfin un visage un peu plus courageux. Certes, il était peut-être un peu trop dédaigneux, mais au moins, il avait le mérite de ne plus simplement trahir sa faiblesse. Les deux visaient le même endroit, mais l’une d’entre elles allait très certainement se faire arrêter bien vite.

— Tu parles comme si le monde t’étais dû. Actuellement, tu es en train de te diriger vers un endroit où même les chefs des familles nobles et le Capitaine commandant n’ont pas le droit d’entrer sans permission expresse signée de la main de l’Empereur, et tu penses vraiment qu’on laissera entrer quelqu’un comme toi ?

Elle avait bien vu ses yeux, elle l’avait perçu, et ça ne faisait que de confirmer ses craintes : cette couleur venait d’une perte de contrôle sur soi ou ses émotions, peut-être consciente, peut-être inconsciente, mais dans tous les cas, elle ne présageait rien de bon.
Eleonore choisit de laisser s’échapper juste un peu de sa pression, pour pouvoir être certaine que son interlocutrice  saurait rester à sa place et éviter de s’emporter. Elle n’avait bien sûr pas pour objectif d’affronter une étudiante,, et si les choses tournaient au vinaigre, elle pouvait toujours l’écraser suffisamment avec son Reiatsu jusqu’à la mettre à genoux.

—  Le mieux dont tu pourrais te vanter, si tu continues sur ton chemin, c’est d’avoir pu rencontrer et te faire envoyer balader par l’un des gardes au seuil du quartier du Conseil. On ne te laissera même pas rentrer dedans. Et si tu as tellement de temps libre, plutôt que de simplement errer à ne rien faire, tu devrais te concentrer sur tes études… Et ne me répète pas que tu n’as personne pour t’entraîner, il y a forcément un Shinigami qui serait d’accord pour remettre même un mollusque comme toi en forme.

La petite avait visiblement perdu son calme l’espace d’un instant et plutôt que de l’interrompre, la guerrière avait simplement écouté avec un sourire en coin. Quand elle se fût retournée et avait fait un pas en avant pour partir, elle lui coupai le chemin.

— Dans ces situations là, il n’y a qu’une seule chose à faire...

Elle l’avait volontairement raté d’un coup de poing, qui était du coup arrêté juste devant son visage. Non pas qu’elle soit réticente à l’idée de frapper une élève, mais plutôt qu’elle n’avait pas envie de l’abimer tout de suite. Elle allait enfin pouvoir polir les talents d’une étudiante, en faire une véritable guerrière, qui serait capable de remplir ses missions.

— Le Gotei est une organisation militaire. Les nobles, comme tu le dis, finiront simple soldats, à se pavaner entre eux et se plaindre du monde qui les entoure. Donc… Montre-leur qui tu es. Montre leur que la noblesse ne vaut rien s’ils ne font pas les efforts pour mériter leur titre derrière. Et ils font leurs malins, mais quand t’en auras mis un à terre, ils se contenteront plus que de parler de toi dans ton dos.

L’élève avait l’air de ne pas vraiment être bien fondue dans la logique du Gotei, ce qui impliquait que c’était le meilleur moment pour elle de faire son mouvement.

— Néanmoins, si tu veux que je sois plus claire...

Elle appliquait une pression suffisante pour bloquer les mouvements de son interlocutrice, avant de la relâcher tout aussi rapidement.

— Ce monde ne tolère pas les chouineurs, ni ceux qui attendent que tout leur tombe du ciel. Si tu veux quelque chose, il faut que tu ailles le chercher par toi-même.

La jeune fille ne semblait pas comprendre comment se comporter. Forcément, elle était jeune et nouvelle, et ne semblait connaître que le nouveau Seireitei. Avec une expression un peu endolorie, Eleonore lui répondit

— Il ne faut pas leur en vouloir, leur orgueil a été écrasé plusieurs fois. Les héros des familles, ceux qui méritaient leurs noblesses, sont aussi ceux qui sont morts dans les conflits, qui étaient en première ligne, qui ont inspiré les troupes.

Forcément, les seuls qui restaient ne valaient plus vraiment la peine, et leurs tentatives de raccrocher avec leur gloire passée n’avaiut plus l’air maintenant que d’excès d’arrogance, car ils ne savaient pas galvaniser les troupes, ils n’avaient pas la présence de leurs ancêtres.

— Enfin, pour les familles qui existaient déjà il y a un bon moment. Les autres se croient juste tout permis, mais en vrai ils s’inclinent devant n’importe qui avec plus d’influence qu’eux.

Mais ce qui posait problème, plus que cette leçon qu’elle venait de lui donner, c’était son attitude. Elle ne semblait pas comprendre l’élément le plus important de tout entraînement, celui qui faisait vraiment la différence entre deux personnes, et qui pourrait lui assurer un séjour beaucoup plus court à l’académie.

— Supplier est un acte de servitude, si tu dois te mettre à genoux devant quelqu’un, ça devrait seulement être par respect. Non, ce qu’il faut, c’est de la volonté. Prouve à ceux qui peuvent t’apprendre que tu sera non seulement digne, mais réceptive à leur apprentissage. Montre-leur que tu as envie d’apprendre et de te surpasser.

Elle imposait un peu sa vision de l’apprentie parfaite à la jeune fille, mais c’était seulement car elle connaissait l’efficacité. Rien ne faisait plus plaisir pour un mentor que de voir que son élève se dépasser et même essayer de le surpasser. Pour elle, mais c’était un avis qu’elle savait peu agréable pour certains esprits fermés, un élève qui essaierait d’égaler son mentor manquerait d’ambition.

Deux fois. Il fallait au moins la féliciter pour sa persistance, mais l’artisane n’y voyait que de l’impulsivité, une chose qui ne lui est pas étrangère, mais qu’elle ne se gênerait pas de critiquer. L’attaquer de nulle part n’était pas une bonne chose pour une étudiante. Heureusement qu’elle avait oublié sa rapière, sinon elle lui aurait appris à danser sur place.

— Un tempérament comme le tien va te poser de nombreux ennuis, tu peux me croire. Enfin, tant que tu n’as pas suffisamment de puissance pour pouvoir faire ce que tu veux. Mais ne t’en fais pas, avec ces attaques, tu auras au moins ta place à la onzième.

L’idée ne lui venait même pas d’attaquer l’étudiante, bien au contraire, elle s’amusait de la voir, mais par la même occasion, ce manque de réflexion était ce qui lui avait valu un séjour plutôt long et désagréable en prison, et qui la suivait encore aujourd’hui, et c’est certainement cette raison qui avait encore plus retardé sa famille dans leur ascension des rangs.

— Tuas beau avoir toute la puissance ou la vitesse que tu veux, à moins de te battre seulement contre des adversaires sans aucun intérêt, tu n’iras nulle part sans technique. Et la technique, c’est pas quelque chose qu’on va t’apprendre à l’académie, encore moins de nos jours.

C’était exactement pareil dans tous les domaines, il fallait de l’expérience, et c’était impossible d’apprendre ça à une grande échelle. C’est pour ça qu’un bon maître était celui qui savait choisir ses élèves, et que l’académie était certainement une des pires erreurs du Seireitei, principalement en période de crise comme celle-ci

— Pour la technique, il te faut un mentor, quelqu’un qui saura comment bien te traîner dans la boue jusqu’à ce que tu réussisses, et pas un professeur qui se contente juste de voir si tu as compris la leçon et de faire sortir tout le monde le plus vite possible.

Il fallait bien avouer qu'Eleonore commençait à s'intéresser un peu plus à la jeune
fille, qui lui rappelait bon nombre de jeunes artisans de quartiers moins fameux, avec leur tempérament parfois similaire, mais il fallait bien faire les choses prudemment, pour éviter une potentielle erreur de jugement.

Pédagogie, le simple mot avait le mérite d’arracher un sourire à l’artisane. Elle laissait le temps à l’élève de se retourner et de faire quelques pas, avant de se concentrer et d’utiliser de sa vitesse pour rattraper et même passer devant elle, se dressant volontairement sur son chemin

— Les gens sont comme du métal, même le plus solide peut être reforgé à la bonne température. La pédagogie n’a rien à voir là dedans, sauf pour des bons à rien qui sont incapables de lever le ton et de prendre des mesures là où il en faudrait.

Son sourire s’élargissait légèrement à ces mots si familiers. A chaque fois, c’était pareil, dès qu’elle rencontrait quelqu’un avec qui elle allait travailler ou à qui elle devait apprendre quelque chose, c’était la même rengaine, et celle qui se trouvait en face d’elle en ce moment, une étudiante qui n’allait pas sans lui rappeler les éléments les plus capricieux qu’elle avait dû travailler.

— Je peux t’aider à travailler ta vitesse, ça au moins c’est une chose ou ma présence ne te dérangera pas. Si ça peut te rassurer, l’autre élève que j’ai aidé est toujours en vie, avec deux jambes et toute sa tête.

Elle n’était vraiment pas douée pour l’humour. Chaque mot qui sortait de sa bouche, à cause de sa voix grave, pouvait ressembler à une menace. Néanmoins, elle espérait que le message était passé alors qu’elle en profitait pour s’écarter à son tour

— Et de toute façon, la pédagogie ne sert à rien. Quand un élève est investi et qu’il fait du bon travail, il est félicité, et s’il fait du mauvais travail, il est aidé jusqu'à ce qu'il réussisse. Rien ne sert de chanter les louanges d’un élève qui fait les choses à moitié.

— Non, toi  tu es un alliage. Tant que tu es incapable de te contrôler, tu ne vaux pas mieux qu’un autre matériau, mais le jour où tu sauras te contrôler, tu seras des plus solides.

Si elle devait faire une comparaison, elle parlerait même d’un alliage de Tungstène, le métale le plus résilient du monde. Bien sûr, elle n’allait pas le dire à haute voix. Elle allait décidément finir par prendre un poste à la cinquième si ça continuait.

— Je veux bien t’aider à entraîner ta vitesse, mais d’abord, il me faudra une idée de ton niveau.

En disant ça, elle réfléchissait à ce qu’elle pouvait faire et se concentrait pour attraper quelques cailloux. Le Shunpo n’était qu’une seule face du Hoho, mais la vitesse pouvait aussi être toute autre – la vitesse de réaction et d’esquive à savoir.

— Pour ça rien de plus simple, juste un aller retour d’ici au bout du chemin. N’y va pas trop fort, c’est juste une question de contrôle de tes mouvements. Ce serait plus simple dans un endroit plus ouvert, mais il faut bien savoir s’adapter.

Le temps est une ressource assez précieuse, et c’est pour ça que ceux qui font preuve d’ingéniosité dans leurs entraînement s’en sortent généralement mieux. Trouver des moyens de s’entraîner dès qu’on a un peu de temps libre permet au moins de ne pas perdre en compétence, au mieux de gagner quelques bribes de force.

Pas mal, comme vitesse de réaction. Comme elle s’y attendait, les choses lui venaient naturellement. Elle avait compris le principe de la vitesse, mais maintenant il fallait juste qu’elle apprenne à mieux la maîtriser. Ralentir son rythme, ne serait-ce que temporairement, lui aurait laissé un tout petit peu plus de temps pour esquiver.

Tu dois surtout maîtriser ta vitesse. Parer un projectile en pleine course et tu le prendras de plein fouet, mais si tu prends le temps de ralentir juste un peu, tu pourras le faire. C’est une subtilité du Hoho qui n’est pas facile a maîtriser.

Contrôler son reiatsu était une chose, devoir le faire dans le feu de l’action et ensuite accélérer de nouveau derrière en était une autre. Il était facile que le corps n’arrive pas à suivre.

Pour l’instant, tu vas courir et dévier les projectiles. N’hésite pas à t’arrêter, n’essaie pas de reprendre ta course d’un coup, l’objectif est surtout que tu sois capable de te stopper à temps.

Elle en avait vu beaucoup, des apprentis qui y allaient trop forts. Ils rajoutaient du charbon dans la fournaise, et se retrouvaient brûlés car ils n’avaient pas pris soin de bien le répartir. Elle envoyait donc Yun aussi loin que possible, s’entourant de quelques cailloux. Elle allait les lancer selon la distance qu’elle parcourait. Ça devrait être un exercice suffisant pour lui donner de quoi réfléchir.

Naturellement, c’était un échec. Après tout, elle ne s’en rendait pas compte, mais la vitesse du projectile était d’autant plus grande que la distance entre elles était courte, à cause de la résistance au vent.

Si tu n’es pas capable d’esquiver les derniers projectiles, alors tu dois trouver un moyen de faire autrement. Dévier, t’arrêter, le prendre de plein fouet, comme ça te chante.

Elle avait toujours suffisamment de munitions pour continuer, après tout. D’une certaine façon, elle était rassurée de voir que son apprentie n’allait pas s’arrêter comme ça, mais de l’autre, elle était agacée des remarques qu’elle faisait. Ce n’était pas difficile à comprendre, pourtant – si elle faisait quelque chose de mal, Eleonore lui dirait, mais sinon, elle devrait simplement recommencer, encore et encore.

Sache simplement que la distance augmente la force de l’impact autant que la vitesse. Si tu penses pouvoir t’en sortir avec de la vitesse seule, tu peux déjà aller à la quatrième tout de suite, ça leur évitera de devoir te rafistoler.

A une vitesse normale, le caillou allait lui faire mal, à une vitesse de course, il allait lui laisser des bleus, mais plus rapide et ça deviendrait dangereux, que ce soit à cause d’un impact trop brutal qui risquerait de causer des dommages internes, même mineur, où à cause d’un impact mal géré, qui planterait le caillou dans la chair de la jeune fille tel une aiguille dans la peau molle d’un étudiant. Bien sûr, elle avait l’habitude des abrutis qui se croyaient meilleurs qu’ils ne l’étaient, mais jamais auparavant aucun de ses élèves n’était mort sous son enseigne.

C’était extrêmement risqué. La jeune fille ne semblait pas se rendre compte du danger qu’elle avait. Certes, elle avait réussi à dévier le dernier, mais ça ne faisait que de la conforter dans son sentiment. Mais contrairement à ce à quoi quiconque la connaissant pouvait s’attendre, elle ne hurlait pas. A la place, elle se contentait de retomber à son aspect froid.

Tu as donc passé l’exercice avec brio. Maintenant, tu devrais être en mesure de pouvoir t’entraîner sans moi, je dois me hâter de reprendre mes activités habituelles, afin de ne pas donner une nouvelle raison de se plaindre aux Kuchiki.

Elle s’inclinait rapidement avant de tourner les talons silencieusement, et de repartir vers le quartier abritant la chambre des 46. Elle en avait déjà vu, des gens comme ça. Ils étaient talentueux, mais ce talent était diminué par un manque de respect envers les règles, et pour quelqu’un sous son aile, c’était éliminatoire.

Ton séjour à l’académie sera certainement très court, mais tu apprendras vite que la prise d’initiatives est une chose qui n’est pas appréciée de la part d’un simple soldat, particulièrement quand il existe un risque de se mettre en danger.

Elle ne s’arrêtait même pas pour parler, montant certes le ton, mais ne se préoccupant ni du visage de la jeune femme, ni d’une éventuelle réaction. C’était un simple fait – même réussie, une initiative non sollicitée ou mal exécutée impliquait une punition.