Je soupire en me dirigeant vers le Senkaimon de ma famille, qui est normalement réservé à l’utilisation privée des plus hauts gradés, mais on me laisse m’en servir car je fais partie de la treizième, et car ma famille à conscience de mes talents – tout du moins, je crois…

Depuis la trahison d’Aizen, je n’ai pas eu une seule mission, et on essaie de me garder au Seireitei en m’écrasant avec de la paperasse et des tâches aussi inutiles que  fatigantes, comme si je ne pouvais pas comprendre où ils veulent en venir, à me submerger ainsi… Mais aujourd’hui, j’ai réussi à déléguer, me servant de services que me devaient quelques personnes en qui j’ai confiance, et je suis donc libre de faire un petit tour sur terre. Et qui sait, peut-être que je pourrais y trouver des choses intéressantes à ramener.

Non, il faut que je fasse attention, et que je reste sérieuse, ce n’est pas le moment de rigoler… Si ça se trouve, je vais peut-être me faire attaquer, donc il faudrait que je fasse attention. Même s’il est vrai qu’une visite non prévue sur terre est en général assez mal vue… Ah, je vais encore devoir passer des heures dans le bureau du capitaine à me justifier, j’en ai déjà marre d’avance.

Une fois passée au travers du Senkaimon, je regarde rapidement autour  de moi, visiblement, j’ai raté ma cible de plusieurs centaines de mètres, puisque je suis en plein milieu de ce qui semble être un endroit totalement désert… Partout où je regarde, mes yeux ne voient que de la verdure à perte de vue. Des arbres, encore des arbres, et puis c’est tout… Je soupire et je m’étire, ne retenant pas mon petit grognement de fatigue, après tout, je ne ressentais personne – là encore, je ne suis pas très douée pour sentir les Reiatsus, en vérité, il pourrait y avoir n’importe qui autour de moi que je ne l’aurais pas senti.

C’est alors qu’il y eut un bruit. Ne sachant ce que c’était, je fis un bond pour me retourner, la main sur la garde de mon Zanpakutô, et me massant la mâchoire de l’autre – se retourner ainsi en plein milieu d’un bâillement fait assez mal, heureusement que je ne me la suis pas coincée – mais je n’arrive pas bien à voir ce qui est présent, puisque cela semble être derrière un arbre ou, en tout cas, pas dans mon champ de vision direct…

« - Montrez-vous ! Je n’ai pas peur ! »

Ma voix tremble… Mes jambes aussi… Ah, bordel, pourquoi est-ce que j’ai aussi peur que  ça ! ça ne te ressemble pas, ma vieille, allez, reprend toi ! T’es la fille des Kyoraku, et t’es celle qui doit prendre la place de ton frangin comme héritière, alors montre ton courage, et rabat le caquet de ce qui se trouve en face de toi !  

Je regarde autour de moi, mais il ne se passe rien… Bien sûr qu’il ne va rien se passer, ma vieille, tu es juste en train de faire une crise de parano, y’a personne… Même si je dois avouer qu’un bruit si caractéristique que celui-ci, il est bien évident que quelqu’un se trouve dans le coin… A moins que je l’ai rêvé, et je suis pas aussi fatiguée que ça. Je soupire et je souris légèrement, regardant encore dans la direction du bruit.

« - Ecoutez, je sais bien que vous êtes là… »

En parlant, mes pas m’emmènent dans la direction du bruit avec prudence, cependant, je sais très bien que je vais avoir du mal à être silencieuse – Je tremble légèrement, et le moindre de mes pas ravive le bruit des quelques feuilles qui se trouvent par terre… Il y a un oiseau dans le coin, ce qui veut dire que ma… cible, appelons là ainsi, s’y trouve aussi.  

Je resserre la prise sur mon arme, et je prends un peu de marge avant de faire lentement le tour de l’arbre, retenant ma  respiration en me demandant bien ce que j’allais pouvoir trouver derrière… Ce qui est sûr, c’est que c’est quelque chose d’assez fin pour se trouver ici, donc probablement pas un hollow, et suffisamment intelligent – ou peut-être humble – pour savoir rester discret, donc la piste du hollow disparaissait lentement…

Est-ce un humain ? Cela aurait expliqué l’absence de réaction à mon appel, et aussi le fait que je n’ai pu sentir son reiatsu… Là encore, je ne peux sentir aucun reiatsu, même si je dois avouer que c’est assez embarrassant de devoir admettre ça aussi ouvertement. Cependant, la réalité n’est pas aussi gentille que je me l’imagine, et je tombe face à face à une vision d’enfer.

« - Prépare-toi à mou… »

Le bruit de ma lame sortant de son fourreau s’arrête en plein milieu… il est blessé. Je range mon épée de nouveau, et je place ma main à ma cuisse, à la recherche des quelques capsules d’antalgiques que je transporte sur moi – Bien que je doute de leur effet sur un être spirituel, il fallait bien que je le tente. Tout en restant sur mes gardes, je lève la main en sa direction, ouverte pour bien qu’il puisse voir la capsule que je lui tends, et je me mords la lèvre – Je ne peux tout simplement pas m’attaquer à un être blessé comme lui, même si c’est un des sbires de ce traître d’Aizen. Cependant, avant même qu’il ait pu faire quelque mouvement que ce soit, je referme la main et je le regarde, un air plus sérieux au visage, et le regardant dans les yeux, son masque ne représentant aucun obstacle réel à mes mots, pas plus que le fait qu’il soit censé être un ennemi de la Soul Society.

« - Cependant, avant que je te vienne en aide, je veux tout savoir sur toi et les raisons de ta venue. Tu n’as pas pu te faire ces blessures tout seul, et il n’y a aucune trace d’un combat autour d’ici… »

J’attends sa réponse, certes sans mon arme dans la main, mais consciente de chacun de ses mouvements, et prête à dégainer au moindre geste suspect, il avait au moins l’avantage d’avoir son arme bien visible, et je doute qu’il puisse agir suffisamment vite pour me dépasser, en tout cas pas dans cet état. J’en profite, par la même occasion, pour mieux apprécier ce qui se trouve devant moi – je n’ai encore jamais vu en chair et en os d’hybride comme celui-ci… On pourrait attribuer ma réaction un peu légère à cet élan d’empathie que je ressens au visu d’une personne en danger, ou bien mon altruisme, mon abnégation… Ou a mon immense connerie doublée de naïveté, d’orgueil et de confiance aveugle envers l’humanité, appelez ça comme vous voulez.

Alors il essaie de jouer les durs ? Je soupire et je laisse un moment de silence, me contentant de regarder dans le vide, et haussant les épaules comme si de rien était. Je lui donne tout de même la capsule, histoire d’aider, puis je lève les yeux au ciel, m’adressant à moi-même en baissant la voix, de manière à ce qu’elle se rapproche d’un murmure - qu’il peut certainement entendre, même si j’essaie de lui cacher –

« - J’aurais dû m’en douter. Je vois pas pourquoi tu me ferais confiance. »

J’essaie de ne pas paraître triste ou de montrer quelque émotion que ce soit sur mon visage, mais je ne peux m’empêcher de me sentir un peu mise à l’écart. Je sais que je ne dois pas m’attendre à voir une preuve de bonté ou de gentillesse chez un hollow, nos ennemis jurés, mais… Pour une fois que j’en rencontre un qui ne me saute pas à la gorge instantanément pour me tuer, et qui paraît même être doté d’une forme de conscience particulière, j’aimerais quand même pouvoir lui parler.

Tout en pensant ceci, je m’assieds non loin de lui, sans le perdre de vue, détachant mon Zanpakutô de ma ceinture pour le poser sur mes genoux, assise sur ces derniers, mon regard dans sa direction, bien que mon esprit soit ailleurs. Par la suite, je regarde en l’air, et je soupire, étant parvenue à quelques conclusions, ou du moins, quelques pistes de réflexion.

« - Il s’est passé quelque chose avec Aizen, non ? Je sais qu’il s’est planqué dans le Hueco Mundo après sa trahison… Sinon, est-ce que tu pourrais au moins me dire ton nom, à défaut de me raconter ta vie ? Moi, c’est Mitsue. »

J’incline rapidement ma tête, en signe de respect, avec un petit sourire, assez faux, au visage. J’essaie tant bien que mal de calmer un peu l’atmosphère, de réchauffer la situation, je veux qu’il se sente en confiance, car si j’ai mis le doigt sur le nœud du problème, alors je vais pouvoir obtenir des informations sur ce traître, et je vais pouvoir venir en aide à la Soul Society… Enfin, je pourrais racheter mes fautes, et ne plus être un boulet que ma famille se traîne, ne plus être cette éternelle troisième siège, je pourrais enfin parvenir à un niveau supérieur…

Et ce n’est pas comme si la personne que j’avais en face de moi est si menaçante, au contraire, même, j’ai plutôt l’impression de percevoir un certain calme autour de lui, peut-être grâce à son rapport à la nature, il est vrai que l’oiseau sur son épaule, picorant joyeusement les graines rend tout le tableau plus harmonieux.

Sa question me surprend un peu – Cependant, elle est fondée. Il est vrai que je n’aurais pas dû me présenter à lui ainsi, après tout, je ne suis pas censée être là, et c’est vrai que c’est une idée stupide. Du coup, je ris légèrement, ma main allant instinctivement couvrir ma bouche, réflexe que l’on m’avait appris à faire et refaire à la dure,  puis je souris en direction de mon adversaire, profitant de la tournure de la situation pour me laisser aller

« - Donc, je te donne la version officielle  ou la vraie version ? Dans l’ordre, officiellement, je suis en patrouille dans la zone pour aller voir une de mes vieilles amies pour le travail, mais en réalité, la seule raison pour laquelle je suis venue, c’est car j’en ai marre d’entendre parler d’Aizen tout le temps, partout, de toujours avoir autant de paperasse à remplir, pour qu’on se rende enfin compte que le temps qu’elle est traitée, les informations sont déjà obsolètes… Je veux du calme. »

J’en ai marre de devoir faire des choses juste pour qu’on s’occupe, histoire de pas paniquer, c’est absolument débile… Et c’est toujours comme ça quand y’a des problèmes, on fait crouler les hauts-gradés sous la paperasse, pour les garder dans leur bureau ou je  sais pas quoi, et on fait travailler les plus bas jusqu’à l’exténuation totale.

Après, je dis pas que je serais forcément mieux qu’eux, je dis pas que je serais meilleure que ceux qui dirigent actuellement le Seireitei, mais – Si, bordel, c’est exactement ce que je dis ! Ces incompétents ne savent pas traiter avec un de leur problèmes autrement qu’en le retardant autant que possible, en hésitant et en se protégeant derrière des feuilles ! C’est ça le problème ! Pourquoi est-ce qu’on ne balance pas tout sur Aizen pendant qu’il est encore faible ? Pourquoi est-ce qu’on arrange pas un grand mouvement de masse ? Même s’il était mis au courant, le temps que lui arrange son armée, on aurait pas mal l’avantage, quand même !

« - Tu penses que tu seras tranquille, tout seul ? Vu l’état dans lequel tu es, je crains franchement que quelqu’un d’assez puissant vienne t’attaquer… »

Je me relève, n’ayant décidément pas envie de rester ainsi oisive à côté de cette personne dont j’ignorais encore tout sauf le nom – Nexus. Avant de commencer à marcher, cependant, je tourne mon regard vers lui, et je lui tends la main, non pour l’aider à se relever, mais pour lui faire une promesse, que j’essayais d’appuyer avec un sourire

« - Je te promets de ne parler de toi à personne là-haut, en échange,  je veux un pacte de non-agression avec toi – réciproque, bien sûr – . Et pourquoi est-ce qu’on se causerait pas un peu, de temps en temps ?»

Cependant, avec ces termes… Je devais avoir l’air un peu d’être en position de dominance totale. Ce n’est pas ainsi que j’aurais dû me comporter, j’en suis consciente, ici, c’est un peu un marché qui ne fonctionne que dans un sens, en plus d’être d’un très grand égoïsme, mais… C’est le seul marché que j’ai pu trouver.

Enfin, il est prêt à coopérer… Je ne peux m’empêcher de lâcher un petit soupir de soulagement, assez comique certainement, alors que je lui tourne le dos et que je me détends un peu, réfléchissant aux questions que je veux lui poser, surtout qu’il faut que je les formule d’une certaine manière, sans quoi, je risque juste de marcher sur des œufs et déjà rompre notre contrat après aussi peu de temps… Pendant que je réfléchis, je regarde le ciel – Un idéaliste qui poursuit les mêmes idéaux de paix et de calme…

« - J’ai énormément de questions… Mais je préfère les garder pour plus tard. Quand tu auras repris un peu de tes forces et que tu auras l’esprit plus au clair. Pour le moment, il faut garder ces entrevues privées, courtes et aussi espacées que possible. »

Je soupire – les vieux ne me laisseront jamais me balader comme je le veux, surtout pas dans cette période… Ah, parfois, je regrette avoir été assignée à la treizième. Moi qui croyais que j’allais pouvoir avoir un peu de temps pour moi entre deux missions sur terre, mais non, au contraire, je suis toujours soit en mission, soit à rédiger un rapport, soit à m’expliquer avec les autres pour les conneries de mes subordonnés…

Car oui, ce con de capitaine me refuse la place de lieutenant et me laisse troisième siège car, je cite, je suis « trop immature pour endosser toutes les responsabilités qui incombent à la place de la treizième division, [je] retarderais le développement de la division en ne lui permettant pas d’aller de l’avant et en étant trop laxistes envers [mes] subordonnés, ainsi que de disposer d’un manque évident de distinction et de noblesse, malgré le fait que [je] sois d’une des grandes familles nobles, simple constat de leur déclin. »

« - Fait gaffe, y’a beaucoup de patrouilles de Shinigami dans le quartier voisin. T’as de la chance d’avoir atterri dans une zone comme celle-là. Et si tu veux essayer de me contacter un jour… Tu sais rester discret ou pas ? Parce que y’a un coin que j’aime bien dans le quartier d’à côté, un peu en retrait, y’a pas beaucoup de patrouilles qui passent par là, et c’est assez simple à reconnaître de loin. Tu peux pas te tromper, en montant au sommet d’un arbre, tu verras un Torii et un temple assez en retrait, c’est un coin à moitié désert et super calme… En parlant de ça, peut-être que tu pourrais aller t’y réfugier pendant un temps. Et puis… Souvent, si t’y restes assez longtemps, y’a de quoi bien se rincer l’œil. »

Sur cette dernière phrase, je lui fais un clin d’œil et je laisse s’échapper un rire franc, cette fois ne me restreignant pas, mais toujours avec le même automatisme de la main, puis je me détends – cela fait un peu de temps que je n’ai pas pu parler aussi franchement et de manière aussi libre à qui que ce soit.

« - Des questions avant que je ne parte ? Ah… Peut-être ne peux-tu pas aller au temple tout seul ? »

Je tourne le regard en direction de Nexus, un peu pressée par le temps, mais ne laissant pas ça assombrir mon visage, je me contente simplement de lui sourire de la manière la plus naturelle que je puisse en ce moment.

En guise de réponse à l’arrancar, je me contente de hausser les épaules avec un sourire sur mon visage, et je rattache mon Zanpakutô à ma ceinture, cherchant une manière de lui répondre – ce n’est pas simple à formuler, surtout qu’il ne faudrait pas que je lui en dise trop. Après tout, peut-être n’a-t-il pas conscience de la situation, et je ne voudrais pas qu’il en profite.

« - En effet, c’est la première fois que je vois quelqu’un comme toi. Par contre, ce n’est pas la première fois que je rencontre quelqu’un qui possède des pouvoirs mixtes… »

Je ne dis rien sur les Vizards, et je me contente de regarder dans une direction un peu au hasard – vers Karakura, en vérité, étant donné que je pense à Urahara et son assistante, mais je retourne vite sur terre avant de commencer à divaguer – Puis je replace mon regard sur mon interlocuteur

« - Maintenant, si tu m’excuses… »

Je fais demi-tour et je fais quelques pas dans une direction au hasard, m’assurant par la même que l’arrancar ne me suive pas, je lève ma main au ciel – la meilleure option pour moi pour ouvrir un Senkaimon est encore de le faire sous Shikai, à la fois car cela me permettra de m’assurer que j’y rentre seule, mais aussi car cela rend tout de suite la zone plus propice à sa création.

« - Juuryoku, Juudo. »  

Je plante ensuite ma lame juste devant moi, le Senkaimon apparait, s’ouvre, et je le traverse sans plus de mots que cela, bien que la difficulté qu’apporte la gravité me gêne un peu. Est-ce que l’arrancar ira bien ? Je pense, et je l’espère.